Le biomimétisme émerge aujourd’hui, NewCorp Conseil s’est livré à une analyse stratégique et conjoncturelle des principaux éléments qui expliquent l’essor de cette approche:
Retrouvez l’analyse et son pdf par l’article LinkedIn
#1/ L’impulsion américaine
Si s’inspirer de la nature est sans doute vieux comme … le monde, le biomimétisme a bénéficié d’un baptême marketing et conceptuel aux Etats-Unis (comme souvent), grâce à la biologiste Janine Benyus.
Les américains, souvent critiquables sur les enjeux environnementaux, sont aussi souvent leaders sur l’émergence de ces nouvelles tendances. Si Janine Benyus n’a pas « inventé » le biomimétisme, son ouvrage, « Biomimicry: Innovation Inspired by Nature » publié en 1997 (traduit en français en 2011) a sans nul doute été un déclencheur et un accélérateur.
Même si Jacques Livage parlait déjà de « chimie douce » en 1977, soit 20 ans avant Benyus, c’est ce livre et son auteure qui sont devenus référents en la matière, qui ont démontré et illustré l’intérêt du biomimétisme au service du développement durable, fédéré ses acteurs, et fait des émules.
Il est d’ailleurs intéressant de noter que Janine Benyus est à la fois une scientifique … et un entrepreneur à travers ses activités de conseil, ce qui a sans doute contribué à l’efficacité du travail de pédagogie et d’influence qui a été mené.
#2/ Le coût énergétique
L’énergie coûte et va coûter de plus en plus cher sur la tendance longue. Hors, la nature est, elle, extrêmement économe en énergie, mais également en ressources de toutes sortes, qui elles aussi se raréfient.
Le biomimétisme intéresse donc de plus en plus en raison de sa capacité à être tout simplement une source d’efficience énergétique et donc de compétitivité. Les objectifs de production à faible impact environnemental passent bien souvent par une production à coût énergétique réduit, ce qui contribue à résoudre l’équation économique.
D’ailleurs, c’est déjà dans le sillage du choc pétrolier de 1974 que, quelques années plus tard, le 26 octobre 1977, Jacques Livage, tel un précurseur du développement durable, inventait le terme « chimie douce » dans un article du Monde, comme une alternative bio-inspirée et économe en énergie aux dérivés de la pétrochimie.
#3/ La réconciliation
L’émergence de la prise de conscience de la réconciliation possible entre développement économique et respect de l’environnement est une autre grande raison expliquant l’émergence du biomimétisme.
Cesser d’opposer économie et écologie permet efficacement de sortir de la contrainte ou du dogme en révélant le champ du possible.
L’économie bio-inspirée devient alors réconciliante, mode opératoire de l’économie durable.
#4/ Le pragmatisme écologique
Eviter l’approche dogmatique, et donc politique, est une autre « qualité » du biomimétisme, qui se place sur le terrain scientifique et rationnel. C’est une approche scientifique, économique (au sens financier et au sens de l’économie des ressources) et pragmatique de l’écologie, et cela fait du bien après tant d’années de tentatives d’appropriation et de détournements politiques.
Même si le biomimétisme connaît bien sûr ses subtilités, ses « familles » et ses courants de pensées, l’approche se veut apolitique, considérant sans doute cette vertu non partisane comme un gage de succès. Dès lors, mêlant respect de l’environnement, vision mutualisée des ressources, travail collaboratif, innovation technologique, compétitivité et développement, le biomimétisme réalise également sans doute un travail de synthèse politique sur les questions environnementales.
#5/ La présence médiatique
Si le biomimétisme est abordé de longue date dans les supports scientifiques et spécialisés, il s’invite de plus en plus souvent depuis quelques mois dans les médias généralistes: Journal Télévisé de 20h de TF1, JDD, La Tribune, M6, ARTE, Paris Match, Le Parisien, France Inter, Europe 1, Stratégies, Les Echos, La Croix, pour n’en citer que quelques uns. C’est à la fois un signe de l’émergence de cette approche, et un élément accélérateur … « les médias en parlent ».
Au delà de ces tribunes, les conférences sur le sujet se sont également multipliées, à l’instar de celle de la Maison de la Chimie mi-mars 2014 (et Biomim’Expo en préparation). Enfin, le politique commence également à s’en mêler, à en parler distinctement, pour sans doute demain le promouvoir de plus en plus compte-tenu des services que le biomimétisme peut apporter aux enjeux de transition énergétique, mais également de pollution et de santé publique.
#6/ Le potentiel multisectoriel
Le biomimétisme prend de l’ampleur car il intéresse tous les secteurs d’activités. Tous sont concernés par les applications actuelles et potentielles. L’aéronautique avec les winglets inspirées des ailes des rapaces ou les projets de réduction de consommation de carburant par le vol en formation comme les oiseaux migrateurs; les transports et l’aérodynamisme à l’exemple du nez du train Shinkansen optimisé grâce au bec du martin-pêcheur; les vitres et peintures autonettoyantes issues de l’étude des feuilles de lotus ou de nénuphar; les colles et adhésifs qui s’intéressent aux filaments de moules, au gekko ou encore à la bave d’escargot (!); l’agriculture via la permaculture, l’agroforesterie et l’agro-écologie ; la dépollution des sols par les champignons; le traitement des eaux usées par la phyto-épuration; les matériaux plus résistants inspirés des nacres de coquillage; l’énergie via la photosynthèse artificielle, les éoliennes aux formes inspirées des ailes de libellules ou des cannelures des nageoires des baleines à bosses, ou encore les hydroliennes qui ondulent comme des anguilles; les écrans électroniques économes en énergie inspirés de la seiche; les greffes d’organes mieux conservées en étudiant les champions de l’hibernation comme le hérisson; la construction et l’architecture qui s’intéressent à la structure de nos os ou … aux termitières; les capteurs de brouillards imaginés grâce au scarabée du désert de Namib; les bio-ciments fixateurs de C02 inspirés du corail; les bio-textiles développés par exemple à partir de la chitine des ailes de libellules: mince, solide, élastique, biodégradable … Le génie de la nature est omniprésent, ses applications aussi.
(cf la Biomim’review réalisée par NewCorp Conseil)
#7/ L’innovation
Le besoin d’innover sans cesse, de sortir des silos, des schémas de pensée préformatés, de trouver des ruptures scientifiques et technologiques est une autre explication de l’intérêt pour cette approche qui se veut davantage horizontale que verticale. Comme le dit l’adage populaire « l’électricité n’a pas été inventée en perfectionnant la bougie » … le monde de demain ne sera pas celui d’aujourd’hui amélioré à la marge.
Le biomimétisme aide à trouver « d’autres idées », participe à façonner le monde de demain, un autre monde. Aujourd’hui les domaines réservés n’existent plus, l’innovation peut venir de partout et de nulle part, de domaines d’activités connexes, de regards croisés, d’émulations … et tout ceci de plus en plus vite. Le biomimétisme est au service de l’innovation.
#8/ Le saut technologique
Le biomimétisme accélère également en raison d’un saut technologique avec les nanosciences qui permettent d’observer et de comprendre à un niveau encore jamais atteint. Le biomimétisme ne se résume pas à l’observation des structures (c’est aussi les formes et les écosystèmes), mais force est de reconnaître que cette nouvelle capacité à observer au plus fin est extraordinairement productive.
#9/ Le « comment »
Après la pédagogie du « pourquoi » des enjeux environnementaux, le biomimétisme fait la pédagogie du « comment », et ça change tout.
La prise de conscience des enjeux environnementaux ces dernières années a très souvent été anxiogène, parfois moralisatrice ou incantatoire, rarement démonstrative en solutions. Il en a résulté une forme de déni psychologique, la nature humaine appréciant peu d’être confrontée à des problèmes sans solutions, ou aux solutions marginales.
Le biomimétisme intéresse et réconforte car il montre le champ du possible davantage qu’un mur de défis. Le biomimétisme apporte des solutions, la nature peut nous aider à résoudre nos problèmes, à optimiser nos process, tout simplement.
#10/ Le bon sens et les valeurs
Le succès du biomimétisme tient aussi à des valeurs en résonance avec les attentes de notre époque. L’humilité, le respect, le partage, la modestie, la simplicité, la spiritualité, … le biomimétisme est peut-être même en réponse avec notre époque, en écho avec le retour du bon sens et l’arrivée d’une forme de maturité écologique. Le biomimétisme c’est aussi le réenchantement du regard de l’enfant sur notre environnement, et non plus une vision orgueilleuse d’une soi-disant suprématie de l’homme sur la nature.
#11/ Le réseau et l’interdisciplinarité
Le biomimétisme est une approche fondamentalement interdisciplinaire, transversale, multiculturelle, qui valorise les échanges, les télescopages, les réflexions partagées.
Certains schémas de pensée (industriels, scientifiques, politiques) mènent aujourd’hui à des impasses, l’innovation passera par la confrontation des points de vue et des réflexes, par l’opportunisme et la curiosité.
Si le biomimétisme propose de s’inspirer de la nature, il nécessite également de savoir s’inspirer de l’autre. C’est pour cela que « la filière biomimétisme » se structure, les acteurs se rencontrent, de grands groupes se révèlent, des startups émergent, le Ceebios se lance, des colloques et conférences s’organisent (Biomim’Expo en Juin 2015 par exemple) …
#12/ Le bottom up
Le biomimétisme est souvent dans les organisations une approche « bottom up »,
qui démarre par des hommes et des femmes, des équipes, des travaux de recherche, des expérimentations, des convictions personnelles, pour ensuite remonter par capillarité dans les structures.
Là non plus bien souvent, il ne s’agit pas d’une approche descendante, imposée. Le biomimétisme n’est pas une posture de communication, au sens trop souvent négatif de cette allégation, c’est une approche humaine, personnelle, parfois intime et spirituelle, souvent passionnée.
Ce sont toutes ces raisons, à la fois sociales, politiques, économiques, humaines, qui créent le faisceau convergent et porteur de l’approche du biomimétisme. Une approche réconciliante, entre l’écologie et l’économie, entre la science et le progrès, entre nous et les autres, … entre notre époque et la suivante.
… la nature, c’est 3,8 milliards d’années de R&D et d’optimisation continue… une source d’inspiration inépuisable et renouvelable. Une source de solutions à nos enjeux contemporains, de développement pérenne, et de survie économique et écologique.